dimanche 22 mai 2011

Ministre de la Santé – Le choix des mots par Rafik Mzali, dimanche 22 mai 2011, 14:08

A la radio, d’une voix fragile et chancelante, notre Ministre de la Santé, ployant sous la plainte des régions sous médicalisées, rate le choix des mots pour exprimer une triste réalité que nul ne conteste et certainement pas les jeunes médecins.
Car la réalité est là : malgré quatre facultés de médecine, cinquante ans d’indépendance et une révolution, les patients des régions défavorisées, s’ils ne font pas des centaines de kilomètres pour accoucher ou se faire opérer d’une appendicite, restent à la merci d’une médecine au rabais, prodiguée par des compétences étrangères.
Au même moment, nos jeunes médecins, fraichement diplômés et motivés par une qualité de vie à la hauteur de leur réussite, choisissent naturellement de rester dans les grandes villes ou s’expatrient à l’étranger.
Au final, le verdict est sans appel : malgré un budget colossal, la Tunisie n’a pas atteint l’objectif d’une santé pour tous.
Assurément, il fallait trouver une solution. En attendant qu’il y’ait des titulaires qui voudraient s’installer sur le long terme dans les régions défavorisées, il fallait parer au plus vite et imaginer un service civil que pourraient assurer les diplômés récents. Un service national de 6 mois ou de un an, avec un roulement transparent dans des conditions dignes de la fonction, seraient accepté par tous, n’est-il pas une juste reconnaissance à l’état qui leur a permis un enseignement quasi gratuit, si on le comparait aux autres pays.
La Ministre, au lieu d’entamer des pourparlers transparents avec les représentants des internes et des résidents, préféra user de la manière forte en les sommant de rejoindre les zones reculées de la République dans les plus brefs délais.
Plus encore, humiliation suprême, elle les accusa de manque de patriotisme et décida, coup sur coup, de les priver de leurs diplômes et de leur fermer la porte des stages à l’étranger.
Et voilà que de lauréats encensés toute leur vie par les directeurs des lycées pilotes et des doyens de faculté, ils se retrouvent dénigrés et suspects d’être candidats à une émigration clandestine, du fait d’une situation sanitaire dont ils ne sont pas responsables et qui est en rapport avec une politique qui les as précédés.
Avec une moyenne de plus de 18/20 au baccalauréat et après onze ans de privation de leurs plus beaux étés, ils se retrouvent soudain traités comme de vulgaires irresponsables, alors qu’il n’y avait aucune raison de douter de leur sérieux, comme en témoigne leur comportement pendant la révolution ou ils ont fait preuve d’un don de soi et d’une générosité dont ne reviennent pas encore les réfugiés fuyant la Libye.
La privation de diplôme, au-delà de son caractère légal ou pas, comporte une sorte de négation douloureuse et révoltante des sacrifices que tout étudiant en médecine a consenti pour s’assurer une respectabilité, qui d’ailleurs ne cesse de lui échapper et qu’il risque de retrouver sous d’autres cieux.
D’ailleurs pour ce qui est de sortir à l’étranger, il devrait rester un droit et je dirais une obligation non seulement pour les plus méritants mais pour tout résident. Ces stages ne permettent pas seulement de parfaire ses connaissances, mais aussi de s’émanciper de la tutelle familiale, de s’épanouir et de découvrir comment on soigne, comment on se comporte et comment on réfléchit différemment dans les sociétés évoluées.
Et alors si un spécialiste tunisien, parvenait à trouver sa place en France ou en Allemagne… Ne produit-on pas déjà beaucoup de médecins? Ne commence-t-il pas y avoir trop de chômeurs dans la branche médicale. Ceci sans oublier que tout tunisien qui s’impose à l’étranger est une richesse pour son pays, en sachant que parfois, en restant en Tunisie, il lui arrive d’être brimé et empêché de donner la peine mesure de ses capacités.
Pour ce qui est des séniors (Assistants et Agrégés), même s’ils ne sont pas directement concernés ils devraient faire corps avec leurs cadets. Dans la dernière grève en rapport avec les paramédicaux, les plus jeunes se sont soulevés comme un seul homme pour soutenir leurs ainés et se sont retrouvés par la suite seuls à pâtir du contrecoup de cette solidarité, dans leur travail quotidien. Il ne faut pas qu’ils se sentent trahis en retour, déjà qu’ils ont le cœur gros et qu’ils se plaignent d’être mal encadrés. C’est l’occasion de souder encore plus le corps médical, de combler le fossé entre les générations, d’assainir l’atmosphère hospitalière et de renouer avec le plaisir de la transmission du savoir.

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